Révolution(s) numérique(s)

Ah! Internet, les smartphones, les tablettes et tous les objets connectés qui peuplent nos vies et les ont envahies jusqu'à nous forcer à faire des cures de décrochage, que nous nous empressons ensuite de raconter sur ce même internet, comme un voyage initiatique, une transgression, la découverte de territoires inexplorés! On voit fleurir des applications dont nous ne savons plus nous passer, sans lesquelles nous sommes perdus (au sens propre comme au figuré, que celui qui ressort son cahier de cartes de France en 366 pages se dénonce), et on répond à des sollicitations permanentes sans lesquelles notre vie sociale nous paraitrait bien vide... Toujours est-il que là où cela ne nous ferait pas de mal de lâcher un peu nos téléphones et autres outils connectés, en Inde, (oui, encore en Inde), un petit village a interdit leur usage. Pour les femmes. Célibataires. Car cela les détourneraient de leurs études. Ou de leurs tâches ménagères... Encore en Inde me direz-vous? Oui, encore en Inde... Ce pays amoureux des femmes et de leur liberté regorge malheureusement d'informations sur ce thème, et croyez bien que j'adorerais diversifier mon activité. Mais on m'en empêche.

Le conseil du village de Suraj, à l'Ouest de l'Inde, a donc pris cette décision Ô combien discutable. Bon, que l'on se rassure tout de suite, le téléphone n'est pas le seul à être interdit pour les jeunes femmes célibataires. L'alcool aussi. Il est vrai, que, par expérience, il est difficile de téléphoner, boire une bière et faire la vaisselle en même temps, cela nécessite une longue pratique et une certaine adresse.  

Pour toute contrevenante, une amende de 2100 roupies (soit 27 euros) sera appliquée. Pour rappel, un salaire moyen mensuel en Inde, c'est 15000 roupies (sources contradictoires je précise). Cela fait 1/7e de salaire. Et toute dénonciation de contrevenante se verra gratifiée de 200 roupies (2,60€) de récompense. La délation ne posant évidemment aucun problème d'éthique, de vengeance ou de pression exercée par les uns et les autres. 

Bon, maintenant, imaginons que vous êtes une fringuante jeune fille célibataire de 12 ans, dont les parents font une crise cardiaque (oui, les deux en même temps, ils ont dû manger trop gras toute leur vie). La jeune enfant, apeurée, effrayée à l'idée de terminer orpheline et de devoir alors subvenir à ses propres besoins se dit alors: "Tiens, si j'appelais les secours". Un ami, quelqu'un qui pourrait appeler un médecin, enfin, je vous laisse imaginer le scénario, et qu'elle appelle pour sauver ses géniteurs. Bim! 27 euros dans la vue. Pas de chance, c'était le prix du traitement. Bon, plus de parents, mais elle saura passer le balai., avec efficacité et rapidité. Si elle utilise un téléphone fixe par contre, pas de problème...

Les scénarios sont multiples:, Imaginons ensuite que ces viles gourgandines avides de relations amoureuses, leurs petits coeurs battants dans leur poitrine en pensant à de jeunes hommes dont l'ombre d'une moustache couvre leur lèvre supérieure, dans la grâce et la distinction qui caractérise les jeunes adolescents, ne sachent se retenir et utilisent ces téléphones dans l'espoir de dévoyer l'objet de leur désir. Alors, je suis navrée de confronter les vieux du village à la dure réalité de la jeunesse, mais il leur restera encore : les oeillades appuyées, les conversations en face à face, les lettres et billets doux cachés dans les fissures d'un mur, et toute sorte de stratagèmes qui ont fait leurs preuves pendant des millénaires, avant l'apparition de cet objet du diable.

Bien sûr, une fois la jeune fille mariée, celle-ci est en mesure d'avoir, enfin, son propre téléphone portable. Elle acquiert, en même temps qu'un mari qu'elle n'aura souvent pas choisi, la faculté extraordinaire de pouvoir téléphoner ET s'occuper de ses tâches ménagères. Le mariage est tout de même fabuleux. Cela risque de me faire changer d'avis sur la question. Peut-être qu'une fois mariée je pourrai téléphoner ET faire la lessive. Ecrire sur le blog ET préparer le diner. Ce serait tout de même extraordinaire, une révolution dans ma vie.

Une fois de plus, les femmes et leur morale monopolisent la matière grise de ces conseils de village, qui continuent à imposer une loi discrimatoire et souvent criminelle dans ses conséquences. 

J'ai comme dans l'idée que malheureusement, ce ne sera pas mon dernier billet sur l'Inde.

Sources: Madame Figaro.fr; le Parisien.fr, l'AFP, Wikipédia, LeMonde.fr; Papoupaspapou.