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CLACs
6 mai 2016

Indonésie... part 2

                                IMG_8975Bienvenue au pays Toraja... Aka Tana Toraja, situé au centre de l'île de Sulawesi, aussi connue sous les nom de Célèbes, en Indonésie. Et comme son nom l'indique, il est peuplé d'un peuple appelé les Toraja, aux moeurs funéraires toutes particulières.

En effet, lorsqu'une personne Toraja meurt, elle n'est pas immédiatement enterrée. Le temps d'organiser la cérémonie, de faire la cérémonie, le corps est conservé dans la maison familiale, parfois pendant plusieurs mois. Ou années. Il faut que tous les enfants de la famille soient réunis et d'accord pour enterrer le corps, ce qui, si vous êtes 8 et dispersés dans le monde entier et qu'il vous faut acheter un ou plusieurs buffles, peut prendre un certain temps. Et plus vous attendez, plus le sacrifice devra être gros. Et la fête énorme. Dans les versions traditionnelles, les familles continuaient de dormir avec le corps avant son enterrement.

Un enterrement Toraja, ça coûte cher en buffles. Et en porcs. Et donc en argent parce qu'un buffle, ça vaut un paquet de roupies. Je vais tenter d'expliquer en quelques lignes les grandes idées que j'ai pu glaner, mais qui ne forment qu'un paysage grossier de ce qu'une cérémonie comporte. J'espère que tous les Toraja qui liront ceci me pardonneront mes inexactitudes.

Quand une personne décède, son corps est donc conservé dans la maison jusqu'à ce que la cérémonie ait lieu, parfois plusieurs mois, ou années après ladite mort. L'ensemble de la communauté Toraja est mise au courant et les amis, connaissances, etc., sont invités. Et c'est là que la partie de plaisir commence. Chaque invité doit offrir à la famille qui enterre son mort un buffle ou un cochon à sacrifier lors de la cérémonie, selon son degré de parenté. Plus vous êtes proche du mort, plus vous devez faire une grosse offrande, composée de... buffles et de cochons. Ceux-ci sont présentés un à un, avec des chants, des processions, des hommages. La valeur de l'animal présenté est aussi indiqué, car il s'agit plus d'un échange. La personne qui offre l'animal pour le mort se verra à son tour gratifié par un animal de même valeur par la famille qui le reçoit. Ils sont donc en dette des animaux qu'ils reçoivent (oui, faut suivre).
Lors de la cérémonie à laquelle j'ai assisté, il y avait à vu de nez une vingtaine de buffles (symbole de prospérité), et au moins autant de cochons. La valeur du buffle se détermine de plusieurs manières : sa grosseur, la longueur de ses cornes, l'inclinaison de ses cornes, le nombre d'épis dans sa fourrure (plus il y a en, mieux c'est, ça porte bonheur). Et surtout, le buffle albinos, c'est un peu le cador des buffles, le graal... un buffle albinos, ça peut valoir dans les 500 000 000 de roupies indonésiennes, soit environ 33 000 euros. Et des poussières. Tout ça pour finir un couteau sous la gorge et en boulettes de viande. Pour un cochon, restons modestes, il faut compter 3 500 000 roupies, soit 250 euros à peu près. De taille basique le cochon. Un gros vaut évidement plus qu'un petit.
J'avoue avoir envisagé de voler un buffle histoire de rembourser mon emprunt, mais la question du stockage de la bestiole et l'idée de patauger dans la bouse ont quelque peu réfréné mes ardeurs.

Une fois que tous les animaux ont été présenté, le dernier jour, tout ce petit monde est sacrifié. La personne qui officie, et qui n'est pas la même pour tous les buffles, est celle qui a offert l'animal (ou proche). La famille ne doit pas toucher une machette, c'est tabou. J'ai cru comprendre au vue des exclamations poussées par les Toraja, qu'essuyer son outil dégoulinant de sang frais sur la fourrure de la bête agonisante constitue quelque chose de particulier. Ça envoie du geyser de sang à n'en plus finir, les buffles mettant quelques minutes à se vider. Ames sensibles s'abstenir...
La viande est ensuite repartie et distribuée selon les invités, qui repartent avec leur doggy bag du soir, de la semaine, voire du mois.

Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Ce n'est que le début... Les Toraja ne sont pas enterrés dans la terre. Un jour, un de leur roi s'est dit que vu le nombre de descendants qu'ils risquaient de procréer, il fallait trouver une autre solution, ou toutes les terres serviraient à abriter les morts. Ils les ont donc installé à flanc de falaise, dans les caves et les grottes. Ils sculptaient des cercueils, les ornaient de motifs d'animaux choisis par les proches du défunt, et toute la famille était enterrée au même endroit. Ils avaient aussi bien pensé la mutualisation, parce que vu la complexité des rites, si en plus, il faut se trimballer dans tout le pays, ça devient compliqué. Il y a donc des falaises remplies d'ossements et de cercueils, plus ou moins bien conservés à des hauteurs improbables. Ces cercueils sont ensuite approvisionnées en eau, café, cigarettes, de la marque préférée du mort. Sur des falaises, je rappelle.

IMG_8973

 Cercueils et bannières          

Roméo et Juliette version TorajaMoyenne

 

  IMG_8972

Les sépultures sont alors gardées par des effigies, appelées tau tau, représentant le mort. Mais attention, il ne s'agit pas seulement de sculpter l'effigie. Pour mettre un tau tau, il faut sacrifier 24 buffles, dont 4 avec des cornes pointant dans des directions différentes. En bas, en haut, droites et une en bas une en haut. J'ai désespérément cherché un buffle aux cornes allant dans des directions opposées au marché, sans succès.

Et une fois tous les 5 ans, il faut sortir le mort de sa grotte, pour lui changer ses vêtements... Ou une fois par an, selon les versions. A ma connaissance, pas de sacrifice pour le changement de vêtements, mais on n'est jamais sûr de rien... On peut aussi sortir le mort de sa tombe pour le présenter à la famille. Si vous avez un ancêtre que vous souhaitez honorer, un petit sacrifice de cochon, plus si vous l'estimez beaucoup, et vous pourrez ainsi faire connaissance.

Ce petit descriptif n'est valable que pour les adultes. Les bébés (comprendre ceux qui n'ont pas encore de dents), sont eux enarbrés (petit néologisme sur le fait d'être enterré dans un arbre). Seuls les membres mâles de la famille sont autorisés à enarbrer l'enfant, et ce doit être fait tout de suite, sinon il faut sacrifier un cochon. Ainsi, les enfants continuent de grandir avec l'arbre...

Tombes d'enfant

Par contre, pour les mariages, pas de sacrifice, c'est tabou...

J'oublie plein de choses, notamment le système de castes qui existe ici, des tas de trucs que je n'ai pas compris, mais vous avez les grandes lignes...
Si vous avez des questions, n'hésitez pas à les poster en commentaire, j'essaierai d'y répondre....

 

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  • Un peu de divertissement, un peu de sérieux, le tout bien mélangé... Une petite dose d'actualité, pas mal d'indignation, parfois une mise en perspective, enfin, c'est l'ambition... Et il faut en avoir!
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